Que cache cette insistance subite pour l’organisation du recensement de la population avant la tenue des élections ? La question vaut bien son point d’interrogation, surtout quand on identifie l’auteur de cette ligne de communication actuelle par rapport au contexte de l’heure. Surtout aussi lorsqu’on se souvient de sa posture d’hier sur le même sujet de recensement devant précéder les élections.
L’année 2015 demeure historique sur cette question. L’Udps, parti présidentiel aujourd’hui et de l’opposition radicale hier, ainsi que plusieurs organisations politiques et de la société civile jetèrent des foules dans la rue pour s’opposer à la même démarche. Il était alors question de barrer la route à tout stratagème qui allait entrainer un glissement du mandat de Joseph Kabila. L’on sait ce qu’il en advint, à commencer par le bilan des manifestations.
Le recensement de la population était prêt depuis septembre 2020
Autant s’interrogera-t-on encore longtemps sur cette attitude de l’Udps, autant devrait-on se demander pourquoi, jusque-là, personne ne semble marquer d’intérêt sur le processus d’identification de la population qui, pourtant, est en cours depuis plus de trois années maintenant. En effet, pour ne retenir que le temps d’inventaire fait en 2020, l’on retiendra qu’en date de mardi 1er septembre 2020, l’Office national d’identification de la population (ONIP) avait publié son plan de recensement général de la population. Ce plan faisait des projections en prévoyant la disponibilisation du fichier général de la population pour fin 2022, soit une année avant les élections.
Richard Ilunga, Directeur général de l’ONIP, assurait alors que son institution était déjà prête avec son plan opérationnel pour entamer la partie pratique du processus sur l’ensemble du territoire national et partout ailleurs où vivent des Congolais. « Des travaux intenses, réalisés en interne par les experts maison, ont permis de concrétiser, notamment, l’élaboration du plan opérationnel, qui est un guide préparatoire des opérations allant de la planification de l’identification jusqu’à la délivrance de la carte d’identité, en passant par le déploiement du matériel et de la technologie pour la constitution du fichier général de la population », déclarait alors Richard Ilunga avant de conclure : « toutes les conditions d’ordre conceptuel, permettant le démarrage des opérations d’identification de la population par l’ONIP, sont réunies à plus de 80% ».
Des partenaires bi et multilatéraux étaient déjà prêts pour financer le recensement
Pour se faire, poursuivait-il, l’ONIP avait besoin de Usd 350 millions pour matérialiser son « plan opérationnel ». Et Richard Ilunga d’assurer alors qu’à ce jour (Ndlr : en septembre 2020), « le plan opérationnel est en harmonie avec le calendrier constitutionnel », avant de préciser : Même si la réalisation des missions de l’ONIP, n’est pas dépendante du calendrier électoral, l’ONIP fera tout ce qui est nécessaire et possible pour que le calendrier électoral soit respecté. Il ne reste plus que l’implication du Gouvernement ».
Quant au financement du recensement, l’ONIP proposait plusieurs pistes dont le Trésor publique ou le partenariat public-privé. On sait, par ailleurs, que plusieurs partenaires bi et multilatéraux, en Afrique comme ailleurs dans la monde, ont, depuis plusieurs années, marqué leur disponibilité à aider la RDC à recenser sa population pour disposer d’un fichier de sa population. Plusieurs qu’une référence pour les élections, ce fichier est, pour tout pays sérieux, l’un des principaux outils d’élaboration et de mise en œuvre des politiques de développement.
Qui bloque le recensement, alors que même Félix Tshisekedi était impliqué dans le processus ?
En effet, un mois avant la sortie médiatique de l’ONIP, le ministère de l’Intérieur avait, en collaboration avec le bureau du Conseiller spécial du chef de l’Etat chargé du numérique, fait une évaluation du Système national d’identification digital (SNID). Il était question, à l’issue de toutes ces réunions, de produire un cahier des charges sur la mise en œuvre de ce projet visant à constituer un registre national biométrique de la population. Ces réunions étaient essentielles pour le dialogue qui était alors en cours avec la Banque Africaine du Développement (BAD) en vue de trouver un financement.
Un atelier était alors projeté pour septembre 2020 pour le lancement du projet prévu, lui, en 2021 après identification des partenaires techniques et financiers dont certains s’étaient déjà manifestés, notamment la BAD, la Banque Mondiale, le PNUD et quelques partenaires privés. En tous cas, ces réunions auguraient des perspectives plutôt rassurantes, malgré le contexte du covid-19. Rassurantes d’autant plus, au regard des ministères et organismes engagés alors tels que les ministères de l’Intérieur, des Affaires étrangères, du Plan, des PTNTIC, de la Recherche scientifique et innovation technologique, ainsi que l’ONIP et le Bureau Central du Recensement (BCR).
La question à poser aujourd’hui est de savoir que sont devenues toutes ces initiatives. De savoir également ce que justifie cette léthargie subite dans laquelle ces démarches ont été plongées.
Dossier à suivre
JEK